Blog réservé aux artistes

Blog ouvert au public

Un auteur pro, kezako ?

dimanche 13 octobre 2019

Si par "auteur professionnel" on entend celui ou celle qui vit exclusivement de sa plume, la définition est aussi vite établie qu'est évalué le nombre d'écrivains professionnels en France. Les chiffres officiels de 2013 indiquent que sur les quelque 5 300 affiliés à l'Agessa ⎯ la sécurité sociale dédiée aux auteurs de l'écrit : écrivains, illustrateurs et traducteurs ⎯ il y a environ 2 600 écrivains. Or, puisque les éditeurs en publient bien davantage, la question purement alimentaire, le fait de savoir si l'auteur vit de ses créations ou pas, n'est pas le critère permettant de définir le degré de professionalisation d'un auteur.

Peut-être alors doit-on considérer qu'on est auteur professionnel dès lors qu'on se consacre à l'écriture toute la journée ? Mais, à moins que l'on soit rentier ou que l'on ne vive que de littérature et d'eau fraîche,  le raisonnement ne tient pas puisque l'on devra tout de même avoir un emploi ou une activité alimentaires. 

D'où la question : un auteur pro, kezako ?

Un auteur professionnel se reconnaît à la qualité de sa production, celle sur laquelle un éditeur sélectionnera son manuscrit pour le publier.

Or les éditeurs en publient et en publient même beaucoup : un peu plus de 41 500 auteurs français en 2015. 

Mettons-nous un instant à la place d'un éditeur, de ce mystérieux personnage qui a droit de vie et de mort sur un manuscrit, ce manuscrit même sur lequel un auteur de roman qui n'a jamais publié auparavant, un primo-romancier comme on l'appelle dans la profession, se verra ouvrir les portes d'un milieu aussi opaque qu'il est étanche.

Quels que soient le genre littéraire, le type de livres ou le public ciblé qu'il s'est choisis, un éditeur cherche à s'entourer de collaborateurs expérimentés. L'éditeur, vis-à-vis du public, se porte garant de la qualité. À commencer par celle de l'objet. Il soigne la présentation, la correction orthographique, la typographie et la mise en page, ou composition, de l'ensemble et s'adjoint par conséquent les services d'illustrateurs, d'infographistes, de correcteurs, de typographes et de compositeurs.

Mais tout ce monde, aussi compétent soit-il, ne peut à lui seul faire un livre. Manque encore l'auteur, qui fournit la matière première, celle à partir de laquelle tout le monde travaillera pour produire un objet commercialisable. Et l'auteur en question se doit d'être un professionnel de l'écriture puisque c'est lui qui se porte, conjointement avec l'éditeur, garant du contenu.

Reprenons notre primo-romancier. Il doit savoir tenir son lecteur en haleine jusqu'au bout, lui donner à rêver, lui révéler les méandres de l'âme, avoir un style littéraire bien à lui reconnaissable entre tous, raconter des histoires qui marquent les esprits, créer un univers de toutes pièces, échaffauder des intrigues palpitantes, donner vie à des personnages inoubliables et j'en passe. Le degré de professionnalisation d'un auteur ne tient, on l'a vu, ni aux sommes gagnées ni au nombre d'heures quotidiennes passées à écrire mais à ses compétences en matière rédactionnelle. Et, les primo-romanciers de cet acabit sont rares, très rares. Les éditions Brandon, quand ils se présentent, les publient : Michel Massit et Laurent Bagnard en septembre 2018, Vincent Germani en octobre 2019, Thibaud Renou dans quelques mois et quelques autres déjà programmés bien qu'ils ne soient pas encore annoncés. Oui, les primo-romanciers-pro sont extrêmement rares.

Pour preuve, le nombre de manuscrits envoyés chaque année aux quelque dix mille éditeurs français : on estime que 500 000 ⎯ oui, cinq cent mille ! ⎯ manuscrits sont ainsi soumis tous les ans aux éditeurs. Or, chaque année, de la mi-août à la fin octobre, ne sont publiés que 500 à 600 premiers romans. Le rapport est de un pour mille. Tous les autres sont écartés et les auteurs qui se voient expliquer les raisons de ce refus se comptent sur les doigts d'une main.

Comment, dans ces conditions, un auteur pourrait-il alors se professionnaliser ?

La suite au prochain épisode...


Caroline Nicolas 

Toute l'actualité de B&C